Tu as couvert ma honte

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Cet ouvrage de sœur Anne Lécu a reçu le prix de la spiritualité en 2016. En reliant deux versets bibliques, celui de la genèse : [« Le Seigneur Dieu fit à l’homme et à sa femme des tuniques de peau et les en revêtit.»] (Gn 3, 21), à celui de Jean au moment de la Crucifixion : [« Quand les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses habits ; ils firent quatre parts… Ils prirent aussi la tunique ; c’était une tunique sans couture, tissée tout d’une pièce de haut en bas. Alors, ils se dirent entre eux : « Ne la déchirons pas, désignons par le sort celui qui l’aura » Ainsi s’accomplissait la parole de l’Ecriture : Ils se sont partagé mes habits, ils ont tiré au sort mon vêtement. »] (J, 19-23-24), elle interprète et nous donne, dans la vision dominicaine qui est la sienne, le sens symbolique de tout ce qui touche à la « nudité » et aux vêtements dans la Bible.

 

Elle commence par la nudité d’Adam et Eve, en passant par celle de Noé. Elle nous parle de David dansant devant l’Arche avec pour seul vêtement un pagne de lin ; du manteau déchiré de Job … ; du jeune homme qui s’enfuit nu dans le récit de la Passion de St Marc, pour finir par celle du Christ en croix. Pour Anne Lécu, celle-ci est le signe de la vocation profonde de l’Homme : Etre Saint et Immaculé à l’image du créateur, non corrompu par le péché.

 

Revêtir Adam d’une tunique de peau après la « chute » c’est, de la part de Dieu, lui faire confiance ; c’est croire en sa capacité de se tourner à nouveau vers Lui. C’est aussi le restaurer dans sa pureté originelle. Quand les fils de Noé, Sem et Japhet, sans ouvrir les yeux sur elle et sans prononcer un mot, couvrent d’un manteau la nudité de leur père ivre, c’est pour lui redonner sa dignité. Ce qu’ils ont vu, ce qu’ils savent doit demeurer secret. La divulgation d’une faute abîme et rend coupable  celui qui l’a commise. Or Dieu ne supporte pas la honte que l’Homme peut éprouver devant tous suite à un manquement. Il nous aime tels que nous sommes, oublie nos péchés et toujours nous re-vêt de son Amour.

 

Détaillant les textes bibliques, elle nous invite à découvrir la symbolique de ceux qui nous parlent de tuniques (de lin, brodées, déchirées…) pour  finir par celle du Christ : le chiton, cette pièce de tissu tissée de haut en bas, sans couture, qu’il portait près du corps. Ce vêtement, c’est celui qui vient recouvrir, effacer ce qui, dans nos vies, n’est pas voué à Dieu. C’est en quelque sorte un « voile » protecteur qui nous protège du doigt accusateur de ceux qui pointent du doigt la faute, n’hésitant pas à la dévoiler à tous. Cette tunique sans couture est une métaphore de cette Miséricorde infinie qui est Sienne (du latin misereri = avoir pitié et cor = cœur) et qui n’est autre que cette douleur venue  des « entrailles » qu’Il ressent devant tous ceux qui sont en souffrance.

 

Elle explique la nature même de Dieu et son dessein pour toute l’Humanité : vouloir l’a parer du vêtement blanc  dont il est question dans l’Apocalypse : « … Voici qu’apparut à mes yeux une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, de toute nation, race, peuple et langue ; debout devant le trône de l’Agneau, vêtus de robe blanche ….ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans les sangs de l’Agneau. C’est pourquoi, ils sont devant le trône de Dieu…»(Ap 7, 9). En choisissant de mourir entre deux coupables sur une croix remplaçant le serpent d’airain élevé par Moïse (Nb 21, 9), Jésus a désamorcé la mécanique de l’accusation. Le pouvoir du péché est vaincu ! Cette tunique tissée d’une seule pièce, de haut en bas et qui est celle de l’innocence originelle retrouvée, il nous l’offre personnellement et nous invite à nous en revêtir.

 

En ce temps de l’Avent, celui de l’avènement du Christ, ce livre est un appel à méditer, à (re) découvrir en profondeur le sacrement de la réconciliation mais aussi à vivre le pardon en actes et à laisser se déployer en nous les œuvres de la Miséricorde de Dieu, en gardant en mémoire qu’elles nous invitent :

 

 * à la discrétion : malgré ses erreurs, nous sommes appelés à ne pas juger de la foi de l’autre, ni de son amour envers Dieu. Maître Eckhart théologien et philosophe dominicain (vers 1260 + vers 1328) insistait sur la nécessité du secret car écrivait-il : « … personne ne pénètre dans la conscience d’autrui ; le secret en est caché dans notre âme, parce que Dieu, lui aussi, est caché dans le fond de notre âme »(Traités et sermons, Entretiens spirituels X).

* au détachement de nos « œuvres » :de tout notre cœur nous devons nous tourner vers Lui et malgré le nombre plus ou moins grand de nos imperfections, avoir en nous la certitude qu’Il nous accueillera avec nos clartés et nos obscurités puisque tous, nous sommes appelés à être la « maison de Dieu », son temple spirituel. Le plus important est donc de l’y accueillir.

* à la joie : celle à laquelle nous invite St Jean : « Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi, j’ai gardé les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour. Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en  vous, et que votre joie soit parfaite. Mon commandement le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». (Jn 15, 10-12). Cette joie naît lorsque nous sommes capables de regarder l’autre avec le même regard d’amour que celui de Dieu.

Georgette

 

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