Dimanche de Gaudete, ce mot jaillit en ce 3eme dimanche de l’Avent. Il retentit au moment où notre pays doit faire face à une situation délétère. Que signifie-t-il exactement ? C’est le premier mot latin de l’introït du 3eme dimanche de l’Avent (du latin introitus « entrée », « action d’entrée ». Dans le chant grégorien, ce mot désigne le morceau destiné à être chanté pendant la procession d’entrée). Il commence par ces mots : « Gaudete, in Domino semper : interum dico, gaudete… Soyez dans la joie du Seigneur, soyez dans la joie…
Tout est dit, nous sommes invités à la joie au milieu de l’Avent. Une joie anticipant celle de Noël qui nous dit : « l’avènement du Seigneur est proche ! ». Pour mieux la signifier, le célébrant peut utiliser des ornements roses (couleur de l’aurore). Ce dimanche particulier nous invite à nous interroger sur ce qu’est la joie véritable.
La joie, c’est une émotion de l’âme. Elle peut être provoquée par un mot gentil, par la sérénité que procure un beau paysage, par un magnifique coucher de soleil sur l’océan. Elle naît par le bonheur d’être ensemble, de partager ce qui nous tient à cœur. Elle peut prendre également sa source dans l’apaisement que procure un morceau de musique tel que l’Ave Verum Corpus de Mozart. Cette hymne, qui nous invite à la méditation sur la présence réelle du Christ dans le Saint Sacrement, peut provoquer un tel sentiment de quiétude, de plénitude, que les larmes peuvent couler. Larmes, non pas de chagrin mais occasionnées par une paix intérieure retrouvée qui nous amène à faire un examen de conscience. Elles révèlent alors la grandeur de l’homme qui se sent démuni devant ses erreurs et sa propre faiblesse. C’est ce qu’Eric-Emmanuel Schmitt nous explique dans un de ses ouvrages. Cet extrait se situe au moment de Noël : « une fois que mes sacs eurent englouti l’ultime cadeau nécessaire, je songeai à me réfugier dans un taxi pour rentrer et je trottai vers une station… une musique me fit pivoter : une chorale chantait. Il y avait dans l’air quelque chose de probe, de recueilli qui m’immobilisa. A cause de la neige, je ne pouvais poser mes paquets au sol… ; je demeurai donc debout…à me laisser pénétrer par le mystère qui envahissait l’espace. Quelques secondes plus tard, les larmes jaillirent de mes paupières, violentes, chaudes, salées, sans que je puisse les essuyer… Grâce à toi je découvrais soudain où je me trouvais. Je haussai la tête, Noël au pied de la cathédrale… Pendant les heures précédentes, je ne lui avais pas prêté attention car il n’y avait rien à acheter dans une cathédrale… Je m’approchai … était-il possible qu’un chant si beau sorte de ces faces sexagénaires… D’une chorale de vieillards naissait une musique ronde, neuve, lisse comme un bébé… Tu me révélais que nous vivions un moment sacré…tu attribuais un sens religieux à cet instant… Insistant, mélodieux, d’une douceur inexorable, tu me contraignais pourtant à un examen de conscience… Alors que je me croyais bon depuis le matin, je découvrais que j’étais surtout très content de moi… Au lieu de rayonner de générosité, je m’achetais une tranquillité d’âme… tu me rappelais que nous fêtions la naissance d’un dieu qui parle d’amour… ».* Ces larmes salvatrices inondent notre cœur d’une joie libératrice : « Tant que tu n’as pas laissé couler des larmes de joie, impossibles à arrêter…tu ne peux pas savoir ce que c’est que t’aimer ! »**. L’évangile ne nous dit-il pas : « Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés »(Mt 5, 4). Ces larmes là nous relient au divin.
Mère Teresa nous a donné une très belle définition de la joie : « C’est un filet d’amour avec lequel on attrape les âmes ….Un cœur joyeux est le résultat inévitable d’un cœur qui brûle d’amour ». Samuel Johnson, écrivain anglais (1709-1784) nous invite à la vigilance afin de la découvrir « Nos flammes de joie les plus vives sont généralement le fait d’étincelles inattendues ».
Depuis son élection, le pape François nous invite à la joie véritable. Avec Evangelii Gaudium (La Joie de l’Evangile), Amoris Laetitia (La Joie de l’amour) et Gaudete et Exultate (Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse), il nous exhorte à faire passer un message particulier grâce à elle. Ne doit-elle pas être celle du Chrétien puisqu’elle germe en nous lorsque nous savons que nous faisons la volonté du Père et qu’elle s’enracine en nos existences lorsque nous comprenons que Sa grâce nous invite à être à la place qu’Il a voulu pour nous ? Elle s’accroît par l’apprentissage de la tolérance ; se fermer à l’autre c’est, en quelque sorte, nous empêcher de grandir en humanité : « En croyant que tout est blanc ou noir, nous fermons parfois le chemin de la grâce et de la croissance ».
Pour terminer cette méditation, j’ajouterai ceci : la joie humaine naît avec le sentiment d’appartenir à une longue lignée d’êtres pétris par l’Amour. C’est ce que nous dit Linda Hogan romancière amérindienne : « En marchant, j’écoute un chemin plus profond. Tout à coup, tous mes ancêtres sont derrière moi. Ne bouge plus, disent-ils. Regarde et écoute. Tu es le résultat de l’amour de milliers d’êtres. Cette certitude doit nous amener à devenir le reflet de ce qu’est Dieu ; bonté sur nos visages, bonté dans nos yeux, bonté dans nos sourires. Soyons en certains, quand nous engageons nos vies sur le chemin où Dieu nous appelle, quand nous nous risquons à vivre pleinement et sans crainte cette « aventure » qui nous dépasse, une joie débordante d’espérance s’empare de nous !
Georgette
* Ma vie avec Mozart d’Eric-Emmanuel Schmitt
** Jade et le réenchantement du monde de François Garagnon