Quel est celui qui, voulant bâtir une tour, ne commence par calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ?

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  1.  C’est la rentrée, les souvenirs des belles découvertes faites pendant nos vacances sont encore bien présents. En ce 23ème dimanche du temps ordinaire, en lisant l’évangile du jour (Lc 25-33), je me suis attardée sur les versets 28 à 30, repensant à notre visite de la Collégiale St Vulfran à Abbeville (Somme).

 

Au début du XIème siècle, les comtes de Ponthieu firent transporter les reliques de St Vulfran né au milieu du 7ème siècle. Il était issu d’une noble famille proche de la cour royale. Archevêque de Sens, il se retira à la fin du VIIème siècle au monastère de Fontenelle (aujourd’hui St Wandrille) puis partit évangéliser la Frise, au nord de l’actuelle Hollande, où il fit de nombreux miracles. Il termina sa vie à l’abbaye où il fut inhumé. Afin d’accueillir ses reliques, les comtes décidèrent de construire une nouvelle église. Celle dédiée à St Nicolas et St Firmin fut détruite et remplacée par un bâtiment au toit de chaume qui subsista jusqu’en 1346.

 

C’est à cette date que les rois d’Angleterre, qui étaient comte de Ponthieu, décidérent d’édifier un nouvel édifice à la place de l’ancienne église qui  fut démolie en 1363. Les rois de France, désormais comte de Ponthieu et les marchands merciers financèrent la construction d’une nouvelle église ; mais, dans ces terres marécageuses, elle posait de nombreux problèmes. Ils furent néanmoins résolus et la première pierre fut posée en 1488. C’est ainsi que naquit St Vulfran d’Abbeville.

 

La façade et la nef s’élevèrent peu à peu. La première messe fut célébrée en 1524 dans l’une des chapelles latérales. Les travaux continuèrent pendant quelques années mais faute de finances durent être arrêtés en 1539. Le chantier ne reprit qu’un 1661 et en 1663 l’église fut enfin achevée. Désormais, ce beau monument dont la façade s’élève à près de 56 m et qui reprend le thème de la trinité (trois portails, trois parties horizontales et trois verticales) fut considéré comme un chef d’œuvre de l’art gothique flamboyant.

En mai 1940, Abbeville fut bombardée et la ville en grande partie dévastée ainsi que sa magnifique collégiale. Seules les tours, la façade et le début de la nef restèrent debout.

 

 

La restauration ne prendra fin qu’en 1998. Le nettoyage de la façade où on peut admirer les statues (datant de 1503-1504) de Marie Cléophas et ses quatre fils et celle de Marie Salomé avec ses enfants, St Jacques le majeur et St Jean l’évangéliste s’est terminé vers 2012. Il a redonné à cette dentelle de pierre toute sa beauté.

Détail inférieur de la façade

 

Ste Marie Cléophas

 

Ste Marie Salomé

Une des portes latérales

A l’intérieur, la nef culmine à plus de 31 m. Là aussi, en référence à la trinité, trois niveaux rythment l’espace : les arcs qui constituent les travées, le triforium (passage étroit aménagé dans l’épaisseur des murs au niveau des combles sur les bas-côtés de la nef d’une grande église) et les baies hautes ainsi que trois chapelles.

                     

Vue d’ensemble de la nef                                 Voute de lune des chapelles

        Le triforium

Revers de la façade et portail central

Certaines présentent des retables des XI et XVIeme siècles, notamment celui de la nativité de la chapelle St Louis (fin 15ème – début 16ème siècle). Les vitraux furent eux aussi entièrement détruits. Aujourd’hui, une partie des baies est ornée par ceux créés par l’artiste américain William Einstein à la fin des années soixante. C’est également lui qui a peint quatre grands tableaux sur le thème de la Visitation, de la Cène, du Crucifiement et de la Résurrection ainsi que les quatorze stations du chemin de croix. La chaire datant du XVIIeme siècle a été restaurée en 2002. D’autres pièces importantes sont encore en restauration (notamment les grilles du chœur classée monument historique). Ici, œuvres anciennes et contemporaines se côtoient harmonieusement.

 

                                             

Le retable de la nativité Chapelle St-Louis

Fresque de la  Chapelle St-Quiriace

Ce bel exemple de reconstruction illustre à mes yeux une des phrases de l’évangile de ce dimanche : [ » Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ? Car, si jamais il pose les fondations et n’est pas capable d’achever, tous ceux qui le verront vont se moquer de lui  :  » Voilà un homme qui a commencé à bâtir et n’a pas été capable d’achever  » ] (Lc 14, 28-30). Elle nous invite à méditer la promesse de notre président Emmanuel Macron qui a assuré que la cathédrale Notre Dame de Paris serait reconstruite en cinq ans !

Certes, elle fait partie du patrimoine mondial de  l’UNESCO et il est souhaitable de la rebâtir, mais faut-il absolument que cette reconstruction se fasse dans l’urgence.  J’aime cette phrase du livre de François Garagnon – Jade et le réenchantement du monde – :  » Le patrimoine de l’humanité, c’est l’intériorité« .  La fresque de la chapelle St Quiriace,  de style Art Déco de A. Bourgeois datant de 1931,  nous montre quatre anges tenant un phylactère (sorte de banderolle) sur lequel est inscrit cette phrase : « L’Eglise est né du cœur brisé. Qui n’aimerait celui qui nous a tant aimés ». Elle nous appelle à la prudence, à la réflexion sur les enjeux de cette réédification.

A  l’entrée de la collégiale, une phrase écrite sur une panneau nous invite également à la méditation : « La beauté de cette église révèle ta dignité d’homme et la splendeur de Dieu ».

Georgette

Sources : dépliant de la Collégiale St Vulfran et site patrimoine et histoire.

 

 

 

 

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