Je crois en Dieu et je crois en l’Homme

Publié le

J’aime relire ce petit mot rédigé par ma belle-mère. Atteinte d’un cancer en phase terminale, elle ne pouvait plus parler, ni respirer et s’alimenter normalement. Elle nous y avait écrit : « …mon cas n’est pas unique. Si je deviens exigeante, prévenez-moi. Ce sont des mauvaises habitudes dont je ne me rends pas compte… Il faut éviter de penser trop à soi en se disant que des gens comme moi sont des privilégiés et que, toujours, il y a plus malheureux … ». Il faut avoir fait un beau travail d’introspection, avoir un cœur ouvert aux autres pours, après une vie jalonnée par des drames (la mort de son père décédé trop jeune, celle de sa mère à Ravensbrück, de ses oncles et tantes à Auschwitz et à Birkenau …), pour pouvoir écrire cela. Pouvoir le faire, c’est aller au-delà de l’apparent abandon de Dieu.

 
Ce fut le cas de Etty Hillesum. Elle a laissé un journal dans lequel elle témoigne de son évolution et de sa foi. Qui était-elle ? Cette jeune femme hollandaise est morte dans le camp d’extermination d’Auschwitz en 1943. Son père, professeur de langues classiques, était proviseur du lycée de Deventer. Sa mère, née en Russie, avait, en 1907, gagné Amsterdam après un pogrom. Etty l’aînée, connaissait des moments de sombre dépression … Après avoir passé un bac littéraire, elle étudia le droit et les langues slaves. Fréquentant les milieux sionistes, antifascistes et évoluant dans un cercle intellectuel et artistique bohême, elle menait une existence de femme « libre ». Passionnée, amoureuse de la vie, sa rencontre avec le thérapeute Julius Spier fut déterminante. Il devint son ami, puis des liens très intimes se nouèrent entre eux. Priant et méditant chaque jour la Bible, il aura une profonde influence sur la spiritualité d’ Etty en l’initiant à la Torah et au Nouveau Testament. Il lui apprit également à s’aimer, à écouter sa voix intérieure et à goûter la joie profonde d’exister. Son journal nous apprend qu’elle a délibérément choisi de ne pas se dérober au drame de son peuple. Après l’invasion des Pays-Bas par les nazis le 9 mai 1940, elle y témoigne des mesures anti-juives. En 1942, afin de préparer les déportations massives, les juifs sont regroupés dans des ghettos : à Amsterdam et à Westerbork. C’est là qu’elle choisira de rester. Le 7 septembre 1943, elle monte avec sa famille dans les wagons à bestiaux en direction d’Auschwitz. Pendant le voyage, elle rédigera quelques mots sur une carte qu’elle jettera du train. Des paysans la retrouveront et la posteront à sa destinataire.

Etty nous a laissé un immense témoignage de foi et d’espérance. Nous vous invitons à en lire quelques passages et à les méditer : « Cet après-midi, durant le long trajet entre le bureau et la maison, comme les soucis voulaient m’assaillir de nouveau et ne semblaient pas devoir prendre fin, je me suis dit tout à coup : Toi qui prétends croire en Dieu, sois un peu logique, abandonne-toi à sa volonté et aie confiance. Tu n’as pas le droit de t’inquiéter du lendemain ». – « A chaque jour suffit sa peine. Il faut faire ce que l’on a à faire, et pour le reste, se garder de se laisser contaminer par les mille petites angoisses qui sont autant de motions de défiance vis-à-vis de Dieu … Notre unique obligation morale, c’est de défricher en nous-mêmes de vastes clairières de paix et de les étendre de proche en proche, jusqu’à ce que cette paix irradie vers les autres. Plus il y a de paix dans les êtres, plus il y en aura aussi dans ce monde en ébullition ». – « Nous aurons à construire un monde entièrement nouveau et, à chaque nouvelle exaction, à chaque nouvelle cruauté, nous devons opposer un petit supplément d’amour et de bonté. Nous avons le droit de souffrir mais non de succomber à la souffrance… ». – [« Je trouve la vie belle et je me sens libre… Je crois en Dieu et je crois en l’homme, j’ose le dire sans fausse honte. La vie est difficile mais ce n’est pas grave… »]. – « Si la paix s’installe un jour, elle ne pourra être authentique que si chaque individu fait d’abord la paix en soi-même, extirpe tout sentiment de haine pour quelque race ou quelque peuple que ce soit, ou bien domine cette haine et la change en autre chose, peut-être même à la longue en amour, ou est-ce trop demander ? C’est pourtant la seule solution ».

Etty revendiquait sa croyance en Dieu. Le 25-09-1942, elle avait écrit : [« Vois-tu, je crois en Dieu » … Est-ce pour cela que je me suis sentie tout le reste de la journée si rayonnante et si forte ? »]. Quelle était sa « vision » de Dieu ? Julius Spier lui ayant fait découvrir la Bible, les évangiles, St Augustin et Maître Eckhart, Il est très proche de celui des Chrétiens. Mais elle a aussi lu des écrits de Tostoï, Dostoïevski et ceux du poète humaniste Rilke, un véritable maitre spirituel, ainsi que ceux de sagesse orientale. Toutes ces lectures lui ont permis de se forger l’image d’un Dieu universel et très incarné avec lequel elle dialogue. Pour elle, il est nécessaire d’avoir le courage d’exprimer notre foi en Lui et d’oser prononcer Son Nom.

Puissions-nous, à son exemple, oser dire, alors que nous traversons une période difficile : [« Je devrais m’en remettre à toi mon Dieu et cesser de te poser des conditions « … si … je … ». Comment pourrais-je formuler des exigences ? Tôt ce matin j’ai feuilleté mes cahiers. Les souvenirs m’ont assaillie par milliers. Quelle année d’une richesse extraordinaire ! Et combien chaque jour en apporte de nouvelles ! Merci de m’avoir donné assez d’espace intérieur pour les abriter toutes »].

 

Georgette et l’équipe du site internet
Source : Croire – La Croix Sophie de Villeneuve –
Illustration : Wikimédia Commons – Joods Historisch Muséum – Domaine Public.

Plus de lecture...