L’adoration des mages de Pieter Bruegel (Brueghel) l’Ancien (v. 1525-1569)

Publié le

Peintre et graveur de formation, Pieter Bruegel peignit ce tableau en 1564.  A l’aide de cette oeuvre, nous vous proposons de méditer le récit de l’épiphanie qui est une Théophanie ( manifestation de Dieu), écrite par St Matthieu (2, 1-12).

Ce tableau d’apparence rustique est, en réalité, très complexe. En effet, dans cette huile sur toile, Pieter respecte l’iconographie traditionnelle en peignant les trois mages, St Joseph et la Vierge Marie portant Jésus dans ses bras.  Néanmoins, il  invite le spectateur à réfléchir sur les conditions de l’ époque.

Les « rois » mages sont un  élément essentiel de la crèche traditionnelle. Mais  que savons nous d’eux ?

La tradition affirme que trois hommes rendirent visite à l’enfant Jésus. Cette croyance s’enracine dans ce texte de l’Ancien Testament : «  Les rois verront, ils se lèveront, les grands se prosterneront… » (Is 49, 7) mais aussi par la nature des trois cadeaux offerts : « … Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or (pour la royauté de l’enfant qui vient de naître), de l’encens (pour sa nature divine) et de la myrrhe (symbolisant ses souffrances futures et sa mort » (Mt 2, 11).

Cependant  l’évangile nous dit  simplement  :  « … voici que des mages, venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « où est le roi des Juifs qui vient de naître ? … nous sommes venus nous prosterner à ses pieds » (Mt 2, 2).

Les personnages dans le tableau

Marie, assise sur une chaise à l’entrée d’une grange, est enveloppée dans une cape bleue. Visage encadrée par un voile blanc, elle tend  sa main droite pour recevoir les présents des mages. Celle de gauche retient Jésus qui s’agrippe et se serre contre elle.

Joseph, derrière elle, est vêtu d’un habit mettant en valeur sa carrure de charpentier. Bruegel le représente comme un artisan de son époque et non comme un personnage sacré. Un villageois chuchote à son oreille et, à sa droite, se tient un soldat.

Gaspard, les cheveux d’un blanc jaunâtre, le visage ridé, s’agenouille devant  Marie. Sans l’enfiler, il  a posé sur ses épaules une veste rose bordée d’hermine et rehaussée de broderies d’or.  Il lui tend une coupe d’or à trois lobes remplie d’une substance précieuse (probablement la myrrhe).

Melchior, les cheveux bruns, le buste fortement incliné vers Jésus, est vêtu d’un luxueux manteau rouge. Il tient dans ses mains une coupe dorée fermée d’un couvercle finement ciselé.

Balthazar, le mage à la peau noire, est debout. Sa cape blanche à capuche, ses bottes de cavalier rouges, sa tête ceinte d’un bandeau lui confère un air noble. Il semble attendre son tour et tient un luxueux encensoir doré en forme de bateau.

La foule des curieux est constituée de soldats casqués et en armes. Dans le premier cercle, autour de Marie et de l’Enfant, les yeux ronds de l’homme portant un chapeau et tenant une arquebuse posée devant lui sont emplis de curiosité.

Les couleurs chatoyantes des vêtements de principaux personnages  (vert, rose, rouge, bleu et blanc) les mettent en valeur et contrastent avec les bruns et les tons terreux réservés à la foule et à la grange.

Un style caricatural

Bien que centrant son tableau sur Marie et Jésus, il caricature la physionomie des mages en les habillant à la mode du XVIe en Flandre. Des détails, une manche coincée dans la ceinture, l’autre traînant au sol ainsi que certains visages et à droite les deux hommes en bordure du tableau confèrent à la scène une tonalité burlesque. En effet, l’un avec son gros nez et l’autre dont les yeux ronds trahissent l’étonnement et la convoitise devant les présents apportés par les mages  sont des éléments insolites.

Par ces détails, il situe cette scène dans le cadre d’une foire villageoise flamande afin de donner une leçon accessible au spectateur mais aussi pour  délivrer des informations sur la vie quotidienne des « villageois » au XVIe siècle.

Un intérêt pour la réalité quotidienne de ceux qui souffrent des guerres

Ce style de représentation montre son intérêt pour la réalité quotidienne de son pays opprimé par l’Espagne et marqué par les guerres.  La présence des soldats dénonce l’occupation espagnole, les conflits sociaux et les conditions politiques de cette époque.

Une ouverture à l’universel

Cette représentation de Pieter Bruegel ouvre la culture du XVIe aux traductions de la Bible. Son œuvre, implantée dans son siècle, sert de référence aux autres époques. De même, elle ouvre à l’universel et révèle la coupure entre l’aveuglement moral ( l’enfant Jésus est ici considéré au même titre qu’une attraction foraine) et le discernement spirituel.

Effectivement, dans l’évangile de St Matthieu, il ne s’agit pas d’identifier le phénomène astrologique de l’étoile qui conduit les mages : « Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait » (Mt 2, 9) mais, comme le dit Benoit XVI, il convient d’y voir L’Église éclairée, « baptisée » dans la gloire de Dieu,  dans son amour, dans sa beauté et sa puissance. L’Église sait que son humanité, avec ses limites et ses faiblesses, met encore en relief l’œuvre de l’Esprit Saint » (Homélie du 7-01-2009).

Georgette
Source : L’adoration des Mages de Pieter Bruegel l’Ancien – Lumière des étoiles. –

Illustration : Wikimédia Commons – National Gallery (Londres) Domaine Public.

Plus de lecture...