Cette semaine, nous découvrons l’une des saisons représentée dans un ouvrage connu pour la richesse de ses illustrations. Le livre « Les Très Riches Heures du Duc de Berry » fut réalisé au début du 15eme siècle par les Frères de Limbourg. Ce manuscrit de 206 feuillets, dont plus de la moitié représentent un paysage, un château de renom mais aussi les activités spécifiques de chaque saison, est l’un des plus beaux spécimens de l’art de l’enluminure.
L’ histoire du livre
Jean de Berry était un prince territorial. Il joua un rôle de premier plan sous le règne de son neveu Charles VI. Vouant à l’art de l’enluminure une véritable passion, il confia l’exécution des Très Riches Heures aux frères de Limbourg nés à Nimègue (Pays Bas)
Hermann, Jean et Paul de Limbourg étaient issus d’une famille de peintres blasonneurs et fils d’un sculpteur sur bois. Ils étaient venus en France à la demande de leur oncle Jean Malouel, peintre attitré du duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, frère de Jean de Berry. Ils laissèrent cette œuvre inachevée puisqu’ils moururent de la peste en 1416, la même année que Jean de Berry.
Son titre se comprend par la beauté et le luxe de l’ouvrage écrit sur parchemin et contenant des dessins minutieux aux couleurs délicates. La palette en est riche grâce aux minéraux utilisés pour les couleurs. Ainsi le vert provenait de la Malachite et le bleu azur de la Lapis Lazuli. Importées du Proche-Orient, elles étaient broyées, pilées puis liées par de la gomme arabique. Ces matériaux nous donnent donc une idée du prix de cette œuvre dont l’élaboration commença entre 1410-1411.
Acquis par le duc d’Aumale en 1856, il est toujours conservé au musée Condé au château de Chantilly.
Le rôle des livres d’heures.
Ils permettaient aux laïcs de suivre toutes les prières monastique (laudes, prime, tierce, sixte, none, vêpres et complies). Ce genre d’ouvrage se répandit de 1350 à 1480 en France et aux Pays bas. Certains étaient réalisé en petit format tandis que d’autres l’étaient en beaucoup plus grand, avec de somptueuses enluminures. Ce qui est le cas de celui que nous découvrons aujourd’hui.
Ces manuscrits constituent un important témoignage sur la vie à la fin du Moyen Âge. Ils sont également la source d’une iconographie sur la chrétienté médiévale.
Au rythme des saisons
Un livre d’heures commençait par un calendrier. Chaque mois représentait une activité relative à la saison : travaux des champs, semailles ou fenaison pour les paysans mais aussi divertissements, chasses ou promenades pour la noblesse. Y figuraient également les signes du zodiaque. Venaient ensuite les prières illustrées de scènes bibliques.
Le mois de juillet
Au haut de l’enluminure figurent un crabe et un lion, les deux signes du zodiaque relatifs à ce mois.
En bas, au tout premier plan, nous assistons à la tonte de moutons à l’aide de forces (sorte de ciseaux pour tondre les ovins). Une rivière, la Boivre, qui se jette dans le Clain (sous affluent de la Loire) sépare le second plan où des moissonneurs fauchent les blés à l’aide d’un volant (sorte de longue faucille). A l’aide d’une baguette, ils dégagent les tiges afin de pouvoir les couper. Ils avancent de l’extérieur de la parcelle vers son centre. L’un d’entre eux porte une pierre à aiguiser à la ceinture. A l’arrière-plan se dessine le palais comtal de Poitiers, propriété du duc de Berry. Il est entouré de montagnes imaginaires. Sur la droite on distingue un ensemble de bâtiment, dont une chapelle.
Un paysage réaliste et harmonieux
S’il décrit le dur labeur des paysans, le paysage reste néanmoins harmonieux. Bien que domestiqué par les hommes, il demeure reposant grâce à la luminosité des couleurs. De ses nombreux détails : cygnes, roseaux, haies d’arbres qui délimitent les lopins de terre et les prairies verdoyantes, se dégagent une impression de quiétude.
Une célébration de la paix
L’œuvre des frères de Limbourg reflète l’idée que se faisait Jean de Berry de la monarchie. Celle d’une royauté nationale et territoriale dans un royaume indivisible où règne la justice, l’ordre et la sécurité.
Malheureusement cette aspiration à une paix durable volera en éclat le 25 Octobre 1415, à Azincourt.
Pour conclure
Nous découvrirons prochainement les autres mois de l’été de ce très beau livre d’heures. Six siècles plus tard, le Pape François nous appelle, dans son encyclique « Laudato Si », à repenser les interactions entre l’être humain, la société et l’environnement. En effet dit-il : « Nous ne pouvons pas prétendre soigner notre relation à la nature et à l’environnement sans assainir toutes relations fondamentales de l’être humain ». (Laudato Si 119)
Georgette
Sources : CND, réseau Canopé – Panorama de l’Art – Grand Palais, article enluminure gothique, les Très riches heures du duc de Berry (dossier pédagogique).
Illustration : Wikimédia Commons – Miniature sur vélin – Les Très riches heures du Duc de Berry – Musée Condé à Chantilly (Oise) – Libre de droit.