Dans sa vidéo de septembre, le pape François nous invite à prier :
« Pour que la peine de mort, qui porte atteinte à l’inviolabilité et à la dignité de la personne, soit abolie dans la législation de tous les pays du monde ».
Sa demande est claire et ferme.
La peine de mort, un sujet douloureux et sensible
De par ses implications morales la peine de mort demeure un sujet controversé.
En effet, certains en sont toujours partisans car, selon eux, le recours à la peine de mort est justifié par :
- une idée de justice, de réparation pour les victimes
- la protection de la société contre un individu dangereux qui l’on met hors d’état de nuire.
- son effet serait dissuasif.
- la mise à mort coûte moins cher à la société que la prison à vie.
Certains, pour défendre cette idée, se référent à certains versets bibliques où il est question de œil pour œil, dent pour dent (Ex 21, 23-25) – (Lv 23-25) – (Dt 19, 18-21).
Or ils avaient pour but d’exiger une juste réparation car trop souvent, pour une offense légère, un homme puissant exigeait une réparation exagérée.
La Loi ne permettait pas d’ exiger autre chose qu’ une juste compensation.
En conséquence, le commandement « Œil pour œil, dent pour dent » n’ était pas un « droit de vengeance ».
Ce n’ était donc qu’ une limitation du droit de réparation des dommages parfois trop abusifs.
Que dit la bible sur la vengeance
Si la Loi permettait d’ obtenir une juste compensation pour un préjudice, la demande de rétribution n’ était pas obligatoire.
De plus, un verset du Lévitique exclue toute idée de vengeance :
« Tu ne te vengeras pas. Tu ne garderas pas de rancune contre les fils de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis le Seigneur ». (Lv 19, 18).
En outre, dans le Nouveau Testament, Jésus va encore plus loin puisqu’ il dit :
« Vous avez appris qu’ il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.
Eh bien !, moi je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux .
N’ oublions pas que le condamné à mort, qui était aux côtés de Jésus sur la croix posa un acte de foi.
Il fut par la grâce que lui accorda le Christ, le premier à franchir avec Lui, les portes du ciel car Jésus eut pour lui ces paroles :
« Amen, je te le dis : aujourd’ hui, avec moi, tu seras dans le Paradis ». (Lc 23, 43).
La position de l’église
Au début du Moyen Âge, l’ Église – dont les enseignements sont suivis par les seigneurs et rois – est hostile à la peine de mort car :
- elle empêche la rédemption ;
- seul Dieu peut reprendre ce qu’il a donné (opposition de la justice humaine et de la justice divine) ;
- elle entraîne des vengeances personnelles et porte atteinte à l’idéal de paix.
Mais, peu à peu, elle reconnaît la légitimité du recours à la peine de mort et l’ applique.
Ainsi, la première version du Catéchisme promulguée par Jean-Paul II en 1992, s’inscrivait encore dans cette lignée puisqu’ elle ne l’ excluait pas « dans les cas d’extrême gravité ».
Toutefois, cinq ans plus tard, il fit amender cet article pour l’ajuster au contenu de son encyclique Evangelium vitae publiée en 1995.
Mais, les conditions posées étaient tellement restrictives que la peine capitale devenait pratiquement inapplicable.
Cependant, malgré cette avancée l’ Église donnait l’impression d’ avoir du mal à rompre définitivement avec une longue tradition.
Pour l’ Église la peine de mort est aujourd’ hui inadmissible
Grâce au pape François, l’ Église vient de faire un grand pas en avant, avec une parole sans équivoque.
Désormais Elle considère que « la peine de mort est inadmissible car elle est une atteinte à l’ inviolabilité et à la dignité de la personne ».
Plus encore, elle dit se situer désormais dans le camp des abolitionnistes. Ceci engage tous les fidèles.
Ainsi, il ne sera plus possible pour un catholique de brandir le Catéchisme pour justifier son soutien à la peine de mort.
Cette reformulation de l’ enseignement s’explique par une plus grande conscience dans l’ Église du respect dû à chaque vie humaine.
Elle s’ enracine également dans une conviction de foi. Le Seigneur, dans sa miséricorde et sa patience « donne à chacun le temps de se convertir », quoi qu’il ait fait.
Soutenir la peine capitale, c’ est juger à la place de Dieu.
Travailler à son élimination, là où elle est encore en vigueur, est une manière de témoigner de l’ espérance chrétienne.
D’autre part, de nombreuses exécutions capitales répondent à des motifs politiques. Ou bien elles punissent des délits liés à la drogue (Indonésie, Malaisie) ou pour homosexualité (Nigeria, Arabie Saoudite)…
Pour conclure :
Demander l’ abolition de la peine de mort, ce n’est pas pour autant réduire l’importance d’un crime, encore moins le cautionner.
Après avoir regardé la vidéo du pape François, nous pouvons méditer ces paroles de la dominicaine Anne Lécu, médecin en milieu carcéral.
Voici ce à quoi elle nous invite à réfléchir :
« … personne ne peut se réduire à son crime, à sa faute, à son malheur. Au fond, tout au fond, l’innocence demeure… Jésus le Christ, parce qu’ il est l’innocence, voit en nous l’ innocence et nous connaît … ». (Marcher vers l’innocence).
Et elle fait cette remarque au sujet de la tunique sans couture que portait le Christ au moment de la passion :
Le vêtement biblique est toujours lié à la personne qui le porte. La tunique du Christ, c’est sa vie, toute d’une pièce, absolument unifiée à son Père…
Parce que Jésus ne retient rien de sa vie, qu’ il donne tout, voilà que la tunique sans couture s’ étend sur l’humanité entière ».
En effet, par cette tunique, laissée par le Fils de Dieu à sa mort, pourrait venir recouvrir ce qui, de nos vies, n’est pas voué à Lui.
Ainsi, « contre le monde qui veut accuser le coupable, la miséricorde de Dieu viendrait fermer les yeux et recouvrir la faute ». (Tu as couvert ma honte ).
Georgette
Sources : La Croix – La doctrine sociale sur le fil – Dominique Greiner.
Anne Lécu : Tu as couvert ma honte (Prix du livre de spiritualité en 2016).
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