Demain soir nous allons vivre notre veillée de louange et de réconciliation.
Aussi est-ce l’occasion, face au débordement de violences en Terre Sainte, sur notre territoire et ailleurs dans le monde, d’ ouvrir la Bible afin de découvrir et de réfléchir :
- D’ une part sur les lois religieuses d’ Israël dont l’ un des buts était de limiter la fureur humaine (c’est le cas de la loi du Talion = œil pour œil, dent pour dent).
- Et d’autre part de re(trouver) le chemin du pardon même quand celui-ci semble impossible.
Ce qui d’ailleurs est souvent le cas des personnes en précarité, des victimes de violence ou d’abus …
La loi du Talion
Cette loi sacrée figure dans le Lévitique :
« Si un homme provoque une infirmité chez un de ses compatriotes, on lui fera comme il a fait : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent. Telle l’infirmité provoquée, telle l’infirmité subie » (Lv 24 ? 19-20).
Comment la comprendre ?
Certains voient dans cette formulation un permis de vengeance.
Or, le but de cette loi civile était de réfréner toute punition personnelle.
Par exemple le livre de l’exode indique que :
« Si un homme frappe l’ œil de son esclave, homme ou femme, et qu’il lui fasse perdre l’ œil il le mettra en liberté, pour prix de son œil. Et s’il fait tomber une dent à son esclave, homme ou femme, il le mettra en liberté, pour prix de sa dent. » (Ex 21, 26-27).
En conséquence, la loi du Talion peut se résumer de cette façon :
- « Tu ne dois pas te venger toi-même, tu dois laisser la justice publique rendre la sentence ».
Elle n’ est donc pas un permis de haïr, d’ avoir un esprit « revanchard ». Au contraire, elle combat : la rancune, l’ hostilité, la haine, le désir de vengeance.
L’ enseignement de Jésus
Jésus, en tant que Juif, connaît parfaitement la loi du Talion et il ne la réprouve pas.
Cependant, il désire en préciser le véritable sens prophétique :
«Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent. Eh bien ! moi, je vous dis de ne pas riposter au méchant ; mais si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui encore l’autre.
Et si quelqu’un veut te poursuivre en justice et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau Et si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui.
À qui te demande, donne ; à qui veut t’emprunter, ne tourne pas le dos !
Vous avez appris qu’ il a été dit : Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Eh bien ! moi, je vous dis :
Aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux … » ( Mt 5, 42-45).
Il réactualise ce qui était écrit :
« … tu jugeras ton compatriote avec justice… tu ne réclameras pas la mort de ton prochain. Je suis le Seigneur. Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur. Mais tu devras réprimander ton compatriote, et tu ne toléreras pas la faute qui est en lui. Tu ne te vengeras pas. Tu ne garderas pas de rancune contre les fils de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis le Seigneur.» ( Lv 19, 15-18).
Un appel au dépassement de la Loi
En réalité, Jésus n ‘est pas contre cette loi d’ État mais il appelle à son dépassement, à un autre choix pour ceux qui choisissent de vivre les Béatitudes.
En effet cette loi provoquait trop souvent des réactions en chaîne et engendrait la violence. Elle était perçue comme une permission de vengeance.
Or, Jésus condamne les représailles personnelles et suggère le pardon.
Il appelle à la miséricorde car elle s’enracine, non dans la justice humaine mais sur la grâce offerte par l’ Esprit, car comme le souligne saint Paul :
«… Si vous vous laissez conduire par l’ Esprit, vous n’êtes pas soumis à la Loi… Voici le fruit de l’Esprit : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, fidélité, douceur et maîtrise de soi. En ces domaines, la Loi n’ intervient pas. » (Galates 5, 18 et 23-24).
Pourquoi le pardon est-il nécessaire ?
Outre ce qui nous dit Jésus, il faut comprendre que la haine et le ressentiment sont néfastes.
Ils sont nuisibles aussi bien pour celui qui l’ éprouve que pour celui qui en est l’ objet.
En effet, ces sentiments conduisent à vivre une vie de plus en plus sombre alors que le pardon conduit à une vie de plus en plus sereine.
De plus, sous prétexte de « bonne conscience », ils peuvent, par désir de vengeance, amener celui qui les éprouvent :
- à transgresser les règles de justice,
- et à commettre le mal en croyant avoir raison de haïr.
De plus, ce sont des sentiments destructeurs très puissants qui vont à l’ encontre de l’ idéal de paix qui devrait être au centre de l’ Humain.
La rancune et la haine, la colère dans une moindre mesure, instaurent comme un enfer à l’ intérieur de la personne qui éprouve ces sentiments.
En définitive, agressivité, obsession, désir de vengeance … prennent alors toute la place dans la relation à l’autre.
En conséquence, la personne qui se laisse envahir par ces sentiments ne dirige plus sa vie.
Quand la haine devient prière
Le Franciscain et théologien, frère Frédéric-Marie Le Méhauté, cite dans un article le cas de Philippe.
Cette personne a la vie cabossée, de part son expérience, ose dire :
« On est obligé de pardonner, sinon, c’ est 100 % la guerre. On serait en bagarre tout le temps. (…)
Le pardon, ça nous permet de ne pas vivre dans la haine.»
D’ autres personnes, vivant la précarité, témoignent elles aussi :
« Il faut bien lui pardonner pour continuer de vivre. (…) Lui aussi, il a souffert. »
Et une autre ajoute après avoir constaté la violence dans certains psaumes :
« J’ai crié ma haine avec ces psaumes, et Jésus était avec moi parce que lui aussi à prier ces psaumes.
La haine est devenue prière. Je le relie à l’ Évangile : « Aide-moi car j’ai du mal à croire » et pour moi, ces psaumes c’ est : « Je déteste, aide-moi à pardonner ».
Pour le père Joseph Wresinski, le pardon « est une manière de vivre en quart monde ».
Pour conclure :
Rappelons-nous ce que nous dit Isaïe au sujet d’ Israël :
« Moi, le Seigneur, je t’ ai appelé selon la justice ; je te saisis par la main, je te façonne, je fais de toi l’ alliance du peuple, la lumière des nations » (Is 42, 6).
Dès lors, la vocation d’Israël est d’ être une « nation sainte » dont le devoir est de rappeler aux nations que l’ humanité créée à l’image de Dieu doit vivre en conformité avec cette image.
Quant à nous, notre baptême nous appelle :
- D’ une part à témoigner que le Christ a dit qu’ il était la Lumière,
- Et que, d’ autre part, il s’ agit pour nous de vivre dans sa Lumière mais aussi d’ être une Lumière pour les autres, une lumière certes fragile mais cependant rayonnante.
C’est pourquoi nous devons toujours rappeler au monde que l’ espérance d’ une réconciliation naît d’abord du pardon et qu’ il n’est pas un petit plus pour bien vivre.
En effet, il est un mouvement vital, une nécessité de survie.
Il est nourri par la reconnaissance de souffrances partagées, par la prise de conscience d’ une haine surmontée, par la redécouverte d’ une paix, toujours menacée.
Bref, nous sommes appelés à servir l’ espérance d’ une réconciliation qui naît d’abord de l’ instinct de vie qui habite l’ humain.
Le pardon exprime la qualité de liens humains renoués avant de se définir par rapport à un pardon divin.
« Comme nous pardonnons aussi… » insiste la prière du Notre Père.
En outre, nous devons témoigner que :
- Le pardon autorise la réouverture d’ un futur malgré les blessures et surtout qu’ il est la seule issue pour réellement vivre.
Georgette
Sources : La Croix – Israël-Palestine : « Quand serons-nous enfin fatigués de la haine ? » (Frère Frédéric-Marie Le Méhauté) le 21-11-2023
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