Alors que commence le Triduum Pascal, (re)découvrons et méditons :
- Tout le sens de ce petit geste qui, au cours de la messe, passe souvent inaperçu.
C’ est celui où le prêtre verse une goutte d’eau dans le calice contenant le vin.
Il dit alors à voix basse:
« Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’ Alliance,
Puissions-nous être unis à la divinité de Celui qui a pris notre humanité . » (« L’ admirable échange » de Saint Augustin).
Un geste important
Bien qu’ aucun récit évangélique, relatant l’ institution de l’ Eucharistie, ne le mentionne, il est néanmoins très riche de sens.
Que signifie-t-il ?
Nous mélangeons souvent l’ eau avec un autre liquide :
- pour en diluer la concentration (sirop de fruit par exemple)
- ou bien pour diminuer la teneur de l’ alcool.
Mais ici, rien de tel !
L’ adjonction d’ eau au vin contenu dans le calice est historique puisque Saint Justin en fait mention au 2eme siècle.
Or, ces œuvres sont les premiers documents ecclésiastiques concernant la forme du sacrement de l’ Eucharistie.
En réalité, cette eau a une valeur symbolique. Elle rappelle ce que relate saint Jean :
« … un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’ eau. » (Jn 19,34)
Or, au moment de la béatification de sœur Faustine, saint Jean-Paul II, rappelait dans son homélie que :
« … si le sang évoque le sacrifice de la croix et le don eucharistique,
l’ eau, dans la symbolique de Jean, rappelle non seulement le Baptême, mais également le don de l’ Esprit Saint. »
De plus, l’ eau rappelle le sens du sacrement de réconciliation qui nous lave tout entier de nos fautes comme nous le dit ce verset :
« Lave-moi tout entier de ma faute, purifie-moi de mon offense. » (Ps 50, 4)
En outre, pour les orientaux, cette adjonction de l’ eau au vin signifie :
- Les deux natures du Christ, l’ eau de son humanité jointe au vin de sa divinité.
Enfin, chez les latins, elle exprime davantage l’ union de l’ Église au sacrifice du Christ.
Une goutte d’eau qui nous représente
Puisque la messe est le sacrifice de toute l’ Église, cette petite goutte d’ eau dans le calice nous représente tous.
En effet, Saint Cyprien explique :
« Par l’ eau, c’ est le peuple qu’ il faut entendre, et par le vin, le sang du Christ » (257).
Puis il ajoute :
« Quand on mêle l’ eau au vin dans le calice, c’ est le peuple qui ne fait plus qu’ un avec le Christ ;
c’ est la foule des croyants qui se joint et s’ associe à celui en qui elle croit ».
Enfin, dans la Bible l’ eau parle symboliquement de la soif d’ un désir spirituel ardent
Or Dieu est une source d’ eau vive.
Une goutte d’ eau qui représente le monde
Ce geste nous rappelle le lien qui existe entre :
- l’ Eucharistie et le Créateur,
- entre l’ Eucharistie et la Résurrection.
C’ est pourquoi, comme le dit Anne Lécu dans son livre Ceci est mon corps :
« Cette goutte d’ eau mêlée, représente nos vies humaines avec nos espoirs, nos divisions, nos erreurs, nos joies et nos peines…
Par ce geste, elles sont offertes, mêlées, confondues avec la vie du Christ et rachetées.»
Une goutte d’eau qui nous divinise
Elle symbolise aussi l’ Humanité qui est :
« Divinisée par le Christ dans l’ Eucharistie »
puisque, dans ce sacrement, l’ Homme est étroitement uni à la divinité de celui qui a pris notre humanité.
En effet, au moment de la consécration :
- si on n’ offre que le vin, le Sang du Christ (principe de vie et d’expiation est séparé de nous)
- tandis que, s’ il n’ y a que l’ eau, c’ est le peuple qui est séparé du Christ.
En conséquence, la goutte d’ eau mélangée représente l’ union du Christ avec l’ Homme puisque :
« Le Christ s’ est fait homme pour nous diviniser ». (Saint Athanase d’ Alexandrie, Père de l’ Église (+ 373)
Aussi appelle-t-elle à cette croissance spirituelle qui nous permettra de nous ajuster de mieux en mieux à Dieu, pour nous élever vers Lui et pour Lui ressembler de plus en plus.
Selon une formule utilisée par la plupart des Pères grecs à partir d’Irénée de Lyon :
« Dieu est devenu homme afin que l’homme devienne Dieu »,
ce qui signifie :
- que la divinisation de l’ homme est la raison d’ être, la finalité ultime de l’ Incarnation, mais aussi que c’ est celle-ci qui rend possible la divinisation.
Parce que l’ être humain est indissociablement âme et corps, c’ est à la fois dans son âme et dans son corps que le chrétien peut être divinisé.
Pour conclure
Par l’ incarnation, le Verbe est venu habiter l’ Homme pour vivre avec lui mais surtout pour lui apprendre à recevoir Dieu.
Or La gloire du Père n’ est-elle pas de retrouver l’homme perdu et de nous vivifier afin que nous devenions, comme le dit St Athanase, le temple de Dieu.
Alors, quand nous voyons le prêtre verser un peu d’eau dans le calice, n’oublions pas que pour s’ approcher de Dieu, l’ humanité avait besoin :
- d’être rachetée par le sang qui accomplit la rédemption, retirant les péchés.
- mais aussi de l’eau qui nous fait renaître à la vie.
Dès lors, pardonnés et revivifiés par l’ eau et par l’ esprit, nous pouvons et devons, comme le rappelle cette phrase des actes de apôtres :
« Veillez sur vous-mêmes, et sur tout le troupeau dont l’ Esprit Saint vous a établis responsables, pour être les pasteurs de l’ Église de Dieu, qu’ il s’ est acquise par son propre sang .» ( Ac 20, 28)
- et participer à la vie de l’ Église car nous en sommes responsables.
Alors, en ce jeudi saint, ravivons notre désir de nous unir au Christ en faisant nôtre cette demande :
« Seigneur, prends-moi, absorbe-moi comme l’ eau est absorbée par le vin ».
Georgette
Sources : Abbé Jerry Urlich CIMPAYE, Cathédrale Regina Mundi (Burundi) et Cairn.info/revue- d-ethique-et-de-theologie-morale-2015-
Illustrations : Image mise en avant (Photo Jean-Lucien G.) – Calice et Burettes (Pixabay Licence – Pas d’attribution requise).