Messe d’action de grâce, l’homélie !

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Homélie du Père Alexandre, à l’occasion de sa messe d’action de grâce du 23 juin 2024

« Passons sur l’autre rive. »

C’est l’appel de Jésus à ses disciples. Il résonne particulièrement dans mon cœur au moment où je m’apprête à quitter les rives du lac d’Enghien-les-Bains et de la Seine pour rejoindre les rives de la Garonne, à Agen. Il résonne pour chacun de vous au moment où vous allez accueillir un nouveau pasteur, à la rentrée prochaine, sans savoir encore exactement qui il est (il est nommé, mais nous ne pouvons pas encore dire son nom). Il résonne pour les 54 adultes du groupement paroissial, qui ont été baptisés à Pâques ou se préparent au baptême – beaucoup sont là ce soir – et qui vivent une vraie traversée, humaine et spirituelle. Il résonne même à l’échelle de notre pays et du monde, qui, par-delà les crises actuelles, cherchent le développement du royaume de Dieu, royaume de justice, de paix et de fraternité. Ces mots résonnent donc pour chacun de nous, qui vivons régulièrement des étapes nouvelles dans nos vies. 

Comment vivre ces passages ? Comment répondre aux appels du Seigneur à aller ailleurs, sur une autre rive ? Comment traverser les crises que vit notre monde ? Je retiens trois secrets donnés par l’évangile de ce soir : le Christ, la barque, et la mer.

Le Christ d’abord. Je remarque que Jésus ne dit pas : « passez sur l’autre rive. » Comme s’il laissait ses disciples à eux-mêmes, comme s’il les abandonnait dans cette traversée périlleuse. Non ! Jésus dit : « passons sur l’autre rive. » Il embarque avec nous. Il ne nous laisse pas seuls. Il est avec nous, il se mouille complètement avec nous dans l’épreuve de la traversée, et dans les différentes étapes de nos vies. Sa présence et son amour nous pressent de sortir de la peur, pour entrer, avancer et agir avec lui dans la confiance. 

Se mettre en présence de Dieu chaque jour, commencer la journée par une prière silencieuse, un regard tendu vers Celui qui me regarde le premier, est vraiment le rocher sur lequel je construis ma vie. Il m’a accompagné dans toutes mes rencontres et les missions reçues. J’aime à lui parler le cœur ouvert, comme don Camillo, de tout ce qui bout en moi, et lui souvent me désarme par sa Parole lue et méditée. Et je rends grâce pour cette présence du Dieu à jamais vivant à mes côtés !

La barque ensuite. Pour aller sur l’autre rive, nous montons dans une barque. La barque, c’est l’Eglise. Elle nous porte, elle nous soutient. Elle n’est pas un lieu coupé du monde, une espèce de forteresse dans laquelle s’enfermer, elle est un lieu où je découvre des frères et des sœurs embarqués dans une même aventure, un lieu où résonne la Parole de Dieu, un lieu où le Seigneur nous restaure. 

 

Regardez ce soir notre barque ! Elle est magnifique ! Regardez, contemplez ceux et celles qui la composent, avec leurs différences, leur foi, leur ferveur : prêtres, diacres, consacrés, fidèles laïcs, et tout le peuple de Dieu. Chacun est nécessaire sur la barque : ceux d’Orgemont, de Saint-Gratien et d’Enghien, catholiques, chrétiens, croyants d’autres traditions, et tous les hommes de bonne volonté. Parfois, notre barque déborde comme ce soir, et nous sommes éblouis par la ferveur de ces grands rassemblements, parfois, notre barque accueille quelques fidèles seulement, mais c’est un même Esprit qui la traverse. Je le confesse que ce soit en pleine brousse malienne, à Terriyabugu avec 10 chrétiens réunis sous un manguier, ou dans nos églises remplies du dimanche, c’est toujours le Corps du Christ que j’ai rencontré, dans les plus petits de ses membres comme dans ses organes les plus grands. Vous ne pouvez pas vous imaginer comment vous m’avez rendu heureux pendant ces 8 années passées parmi vous. Vous me portez aujourd’hui dans cette traversée vers Agen ! Votre amitié, vos prières, vos exemples forment une immense barque dans cette traversée. Et je rends grâce pour cette présence vivifiante du Corps du Christ, pour chacun de vous, vous avez fait circuler cet Esprit de Dieu en moi.

La mer enfin. Dans la Bible, la mer évoque le chaos qui subsiste en ce monde puisqu’il est encore en cours de création, comme nous le sommes aussi nous-même. Nous avons tendance à fuir ces ombres dangereuses, inquiétantes, déstabilisantes. Or, pour avancer, il est bon d’aller visiter notre part de chaos. Nous pouvons oser le faire quand justement nous sommes accompagnés par Dieu, et, avec lui, passer sur l’autre rive. 

Concrètement ce tour de barque en mer est le courage d’affronter nos démons en vue de les traverser, pas de les ressasser. Là encore, cela demande de sentir nos forces pour aller visiter ce qui en nous est blessé, mort, troublé et en désordre. De le faire en pensant à Dieu, main dans la main avec lui. D’oser mettre des mots sur nos tempêtes. Et éventuellement de demander de l’aide. « Seigneur, sauve-nous. »

Et je rends grâce au Seigneur de m’avoir montré et de me montrer encore aujourd’hui tout ce qui en moi a besoin d’être visité, guéri, transformé. Je rends grâce à ce regard juste qu’il m’aide à poser sur moi sous son regard miséricordieux.

C’est ainsi qu’ils « passent sur l’autre rive ». C’est ainsi que nous passons sur l’autre rive. Dans les cultures méditerranéennes antiques cette expression évoque le passage de la vie en ce monde vers la vie éternelle dans l’autre monde. C’est bien à une résurrection que nous appelle Jésus. Dès maintenant, aujourd’hui : que notre moi tourmenté, inquiété, menacé puisse avancer (ne serait-ce qu’un peu) dans une nouvelle dimension : pacifiée, vivifiée, aimant cette vie, forte face à ce qui ne va pas, aidante pour les autres, inventive, créatrice.

Amen ! 

Alexandre de Bucy +

Photos : Ségolène Lebaillif 

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