L’enfant et l’étoile
Dans un seau d’eau noir et très clair
Un enfant voyait une étoile
Qui, toute petite, avait l’air
D’un beau diamant sous un voile.
« Ah ! cria l’enfant, je la veux ! »
Et, dans la jupe maternelle,
Tout en pleurs, il prit aux cheveux
Et cassa son polichinelle.
Victor Hugo passait, très doux.
Il considéra le désastre
Et dit : « Pourquoi refusez-vous
À ce petit garçon cet astre ?
La mère dit : « Je ne peux pas
Comme les fleurs de ma fenêtre,
Cueillir Mars ou Vénus, là-bas…
— Attendez un peu », dit le Maître.
Il alla trouver le bon Dieu
Qui pour tente a la belle toile
De l’immense firmament bleu,
Et lui dit : « Donnez-moi l’étoile.
— Je ne peux pas, dit le bon Dieu ;
Cela me créerait des affaires :
Chaque astre est une note en feu
Dans le concert parfait des sphères ! »
Victor Hugo, musicien
Sans passion, dit : « Père unique,
On ne s’apercevra de rien
Dans l’immense boîte à musique.
Et c’est pour un petit enfant !
— Me la rendra-t-il ? — Certes ! — Intacte ?
— J’en réponds. » Le Maître, au levant,
Cueillit l’étoile après ce pacte,
Et vers l’enfant pressant le pas
À travers les divins espaces,
« Tiens ! » lui dit-il, et puis, tout bas :
« Dis que c’est moi, — si tu la casses ! »
Catulle MENDÈS