Le 08 décembre dernier, le président de la République exprimait la volonté que six vitraux contemporains fassent leur entrée dans Notre Dame.
Cette annonce provoqua de nombreuses oppositions et une pétition recueillait près de 130 000 signatures.
Or, il faut comprendre que cette commande est le résultat d’ une décision commune du président de la République et de l’archevêque de Paris Mgr Laurent Ulrich.
Afin de figurer le temps de l’ Église et de Paris, celui-ci précisait au président que ces vitraux, consacrés à un saint, soient figuratifs afin de représenter chacun d’eux :
- Pour saint Thomas d’Aquin l’intelligence, pour sainte Clotilde le conseil, pour saint Vincent de Paul le service, pour sainte Geneviève la force, pour saint Denis la mission, pour saint Joseph la crainte de Dieu et pour saint Paul-Chen l’ amitié.
Le vitrail contemporain : un art religieux toujours en évolution
Cette évolution vise à bousculer :
- le langage traditionnel de l’art religieux,
- transformer ce qu’ils ont à nous dire par des images nouvelles,
- créer des œuvre inédites.
Telles sont les buts de l’ innovation de l’ art actuel du vitrail.
Bien que souvent audacieuses et innovantes, ces conceptions s’ accordent néanmoins parfaitement à l’ esprit des lieux de ces sanctuaires et monuments.
Cependant, il faut reconnaître que, en ce début du XXIe siècle, nos sensibilités si diverses, relèvent souvent de conceptions fort différentes de l’art.
Or, André Malraux définissait le vitrail comme : « une mosaïque libérée ». Il ne doit pas être simplement un décor car :
- il est étroitement lié à la lumière divine.
C’ est ainsi que, depuis Vatican II, l’ église doit être « ouverte vers l’extérieur ».
En conséquence, puisque les verres incolores permettent à l’œil l’ accès vers le dehors, la conception de certains de ces vitraux permet de s’ ouvrir vers l’ extérieur.
En effet, le but du vitrail vise à créer une atmosphère de recueillement dans un lieu qui est indissociable de la vie extérieure.
Quelques exemples réussis de vitraux contemporains
Par nous convaincre de la parfaite intégration de vitraux contemporains dans des édifices anciens tels que :
- abbatiales, cathédrales ou églises,
il suffit d’ en découvrir quelques exemples.
L’ église St Hélier à Beuzeville (Calvados)
L’ édifice, dédié à Saint Hélier fut élevé au 12eme siècle. Par la suite, il fut remanié au XVIe et au XVIIIe siècle.
Pour finir, en 1960, le doyen de Beuzeville, qui aimait particulièrement l’art sacré, entreprit de la rénover.
Aussi confia-t-il la réalisation des vitraux au maître verrier François Décorchemont dont les vitraux se caractérisent par un dessin épuré.
- Par exemple, un vitrail symbolise les fêtes de Noël, de l’ Épiphanie, des Rameaux et de Pâques,
- tandis qu’ un autre nous rappelle celles de l’ Ascension, de la Pentecôte, de la Fête-Dieu et du Christ Roi.
- Puis, deux autres, dédiés à la Vierge Marie, représentent les symboles tirés de ses litanies (Miroir de justice, Rose mystique, Tour de David …)
Puis, afin de nous rappeler que Dieu est :
- principe et fin de toutes choses, un autre représente l’ Alpha et l’Oméga et les sept sacrements.
L’ église St Étienne de Waha (Belgique)
Les six vitraux de cette église romane, érigée vers 1050, sont l’ œuvre de Jean-Michel Folon.
Datant de 2004 et 2005, ils illustrent des scènes de la vie de saint Étienne.
Cette petite vidéo nous permet d’ en découvrir toute la beauté et l’ harmonie.
La cathédrale de Strasbourg
En 2015, pour les mille ans de sa fondation, la cathédrale de Strasbourg offre à ses visiteurs un nouveau vitrail dans la chapelle sainte Catherine.
Pour le réaliser, l’ artiste Véronique Ellena s’ inspira du Christ bénissant de Hans Memling.
Dans cette cette œuvre, afin de montrer le visage miséricordieux du Christ, elle a choisi de représenter les gens qui fréquentent la paroisse mais aussi des personnes venues d’autres horizons.
C’est pourquoi, comme nous le montre cette vidéo, le visage du Christ se compose d’ une centaine de visages.
L’ autre partie du vitrail est consacrée à Sainte Catherine. Puisqu’elle admirait la nature, œuvre de Dieu, il représente les diverses richesses de la terre alsacienne.
Le cas des vitraux sans personnages bibliques …
L’ abbatiale de Conques (Aveyron)
Ici, Pierres Soulages voulut s’ inspirer du traitement cistercien du vitrail sous l’influence de la doctrine de Saint-Bernard au XIIe siècle.
En effet celui-ci préconisait l’ union mystique avec Dieu dans la simplicité et la pauvreté.
D’ autre part, Dieu étant identifié à la lumière, il fallait qu’ elle pénètre simplement et largement le lieu afin d’ éclairer la vie du fidèle, d’ où le bannissement des ornements et des images susceptibles de distraire de l’action de la pure lumière.
La chapelle Lalique à Douvres la Délivrande (Calvados)
Les vitraux furent réalisés à partir de pavés de verre moulé et dépoli.
C’est ce qui, avec l’intensité et la position du soleil, provoque de nombreux reflets qui mettent en valeur le travail de Lalique.
En 2003, la restauration de l’ ensemble fut confié au maître verrier Michel Petit. La pureté de tout cet ensemble liturgique nous invite à nous tourner vers la lumière.
La cathédrale de Bayeux (Calvados)
Depuis 2019, de nouveaux vitraux, lumineux et innovants ornent la partie haute de la cathédrale. Ils sont l’ œuvre de l’artiste Véronique Joumard.
Le chantier devrait se poursuivre jusqu’en 2024.
Afin de créer des changements de couleur selon l’orientation et la lumière, elle a choisit d’ utiliser le prisme de verre car malgré sa transparence, il peut produire, les jours de soleil, de multiples taches colorées à l’intérieur de la cathédrale.
En outre, la transparence des vitraux permet de voir les éléments architecturaux extérieurs de la cathédrale.
Pour conclure :
Ces quelques exemples nous rappellent que la fonction du vitrail a toujours été triple :
- laisser passer la lumière et éclairer l’ intérieur de l’édifice,
- le mettre à l’abri de l’extérieur, aussi bien physiquement (chaleur, froid) que spirituellement (éviter l’intrusion de la vie profane dans l’espace sacré),
- édifier l’esprit en l’ instruisant de l’ histoire religieuse et le convertir à la lumière de la révélation divine, c’ est le rôle primordial du vitrail.
C’ est d’ailleurs ce qu’exprimait au 12 eme siècle Durand de Mende, évêque de Mende :
« Les fenêtres vitrées sont les écritures divines qui versent la clarté du vrai soleil, c’est-à-dire de Dieu dans l’ église, c’est-à-dire dans le cœur des fidèles tout en les illuminant .» (Patrick Vauday – La peinture et l’ image, les vitraux de Pierre Soulages)
De surcroît, François Bousquet – Prêtre du diocèse de Pontoise, professeur à la faculté de Théologie et de Sciences Religieuses Institut Catholique de Paris et qui fut recteur de Saint Louis des Invalides à Rome souligne que :
« Assurément, il n’ est pas raisonnable de tout demander à un seul art, et, dans le cas des assemblées de croyants réunis pour la louange, la liturgie seule, qui ait appel à tous les sens, jouant à la fois sur le corps, le corps social, et la durée, serait l’ « art total », si elle était accomplie à la perfection, au service de la Parole à qui elle donne chair ».
Et il ajoute :
« Le vitrail contribue, grâce aux artistes, à donner corps à la transfiguration qui est l’origine et la fin de la liturgie… »
Alors, souhaitons que, suite au concours organisé, les futurs vitraux de Notre Dame accomplissent pleinement ces fonctions.
Pour approfondir ce sujet vous pouvez cliquer sur le lien ci-dessous :
https://www.ressources-centre-vitrail.org/wp-content/uploads/2014/11/Lumieres-contemporaines1.pdf
Georgette
Sources : La Croix : Nathalie Lacube et Béatrice Bouniol du 12-12-2023 – La Croix : Élodie Maurot du 18-01-2024 – Ressources Centre Vitrail ( Lumières Contemporaines) –
Illustrations : Photos personnelles Jean-Lucien G. – Vitrail Cathédrale de Strasbourg : WordPress Histoire des Arts – Vitrail de Soulages à Conques – Pixabay – Libre de partager.
Image mise en avant : Photo Jean-Lucien G. Abbatiale St Vulfran Abbeville