La piété populaire au service de l’évangélisation

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Chemin de Croix à Enghien

Ce dimanche du 3eme dimanche de l’Avent appelé Gaudete (la joie) en raison de l’ antienne de la messe qui nous dit :

  • « Soyez Toujours dans la joie, le Seigneur est proche »,

François posait le pied en Corse. Il est le premier à le faire.

Cependant en mai 1952, Angelo Roncalli, le futur pape Jean XXIII, y passa une semaine. Il prit quelques notes sur son voyage.

Ses remarques

Pendant ce séjour, il nota :

  • La totale intégration de la religion dans l’ espace public. La foule était très nombreuse à son arrivée à Bastia. De même le lendemain au cours de la bénédiction de la couronne ajoutée au tableau de la Madone de Lavasina (sanctuaire proche de Bastia où la dévotion à la Vierge est très grande)

La Vierge du Sanctuaire de Lavasina – Wikimédia Commons – Libre de partager
  • Puis il souligna la beauté de la messe qu’ il présida. Notamment le déroulement rituel, les chants parfaits et l’ originalité d’ un émouvant offertoire avec : « le pain et le vin, un agneau, un enfant, un malade, une infirmière.»
  • Mais aussi qu’ il logea à la préfecture.

Enfin, le 21 en fin de journée à Ajaccio, le nonce releva que :

  • Là encore la foule était immense. Et il  fut à nouveau « l’ hôte de la préfecture ».
  • Puis le lendemain, au cours de « la grand-messe pontificale de l’ Ascension dans la cathédrale comble » la présence d’ un public  « en majorité jeune et féminin ».

Ces quelques notes montrent que la laïcité à la corse laissa toujours toute sa place à la religion. Elle fait totalement partie de l’ espace public.

Les débats autour de la piété populaire dans les années soixante

Dans les années 1960, la piété populaire s’ inscrit dans les débats autour de la modernisation du catholicisme.

C’ est ainsi que la volonté de réaffirmer la centralité du Christ et de la liturgie eucharistique se traduit pour une partie du clergé par :

  • la suppression des cierges,
  • des statues de saints et de tout un ensemble de pèlerinages et de fêtes votives,
  • et parfois même l’ abrogation de la communion solennelle (aujourd’hui appelée profession de foi).

Car l’ essentiel doit être de tout ramener à l’ Incarnation, à la vie, à la mort et à la résurrection de Jésus-Christ.

La défense de la religion populaire

C’ est à cette période que le religieux dominicain et sociologue Serge Bonnet joue un rôle important dans la défense de la religion populaire.

En effet, il a une expérience très forte de la piété des catholiques d’ origine polonaise ou italienne qui travaillent dans la sidérurgie en Lorraine.

Il observe que :

  • « la liberté chrétienne du peuple est très largement dans sa vie privée, dans ses fêtes familiales, dans les coutumes qui entourent les sacrements ».

En conséquence, il est scandalisé par les possibilités que s’ octroient certains prêtres de :

  • supprimer les fêtes ou de refuser un baptême.

Mais aussi parce que les laïcs n’ ont aucun moyen de protester.

Une réflexion sur la pastorale des jeunes

Au début des années 1970, le Manifeste du Mouvement  Catéchuménal (réflexion sur la pastorale des jeunes de 1973) provoque à nouveau de vifs débats.

En effet, le jésuite Joseph Moingt, considérait alors que les aumôniers devaient avant tout proposer aux adolescents :

  • l’ apprentissage d’ une vie autonome car pour lui,  ce n’ est que devenus adultes, responsables, authentiquement libres, que les jeunes deviendraient des chrétiens avec une foi authentique.

Cette conception suscita une vive polémique. Robert Pannet curé dans la Marne affirmait quant à lui que  :

  • Le sens religieux spontané des jeunes ne doit pas être désenchanté car il offre de vraies ressources pour l’ évangélisation.

Un mépris pour la culture populaire

Toujours dans les années 1970, la piété populaire souleva une controverse car pour certains, ces dévotions :

  • détourneraient du christianisme,
  • infantiliseraient  le peuple,

Le but est alors :

  • de rejeter un certain conformisme des catholiques,
  • d’ encourager une adhésion plus personnelle et une pratique orientée vers le militantisme plutôt que vers la ritualité.

C’ est ainsi que les militants de la revue progressiste Lettre considéraient :

  • qu’ il faut œuvrer à la destruction de la religion populaire en tant « qu’  idéologie qui a fait du Christ une idole ».

De plus, cette forme de religiosité s’ ancrerait :

Dans le passé, favoriserait l’ individualisme et éloignerait des principes fondamentaux de la Doctrine Sociale de l’ Église :

  • À savoir :  La dignité de la personne humaine, le bien commun, la subsidiarité, la solidarité.

Mais avec l’ élection de Jean-Paul II, ces positions deviennent marginales car le pape venu de l’ Est valorise :

  • « La religion populaire comme une ressource de résistance individuelle et collective à l’ oppression.»

La foi chrétienne s’ exprime toujours dans la culture, l’histoire et les langues d’ un peuple

C’ est saint Paul VI qui, dans Evangelii nuntiandi, changea le nom de « religiosité » en celui de « piété populaire » car cette appellation, d’ une part :

  • Nous rappelle l’ Incarnation comme fondement de la foi chrétienne qui s’ exprime toujours dans la culture, l’ histoire et les langues d’ un peuple.
  • Et que, d’ autre part, elle se transmet à travers les symboles, les coutumes, les rites et les traditions d’ une communauté vivante.

De surcroît, la pratique de la piété populaire attire et implique également des personnes :

  • Qui sont au seuil de la foi,
  • Qui ne pratiquent pas assidûment mais qui y retrouvent l’ expérience de leurs propres racines et affections, ainsi que des idéaux et des valeurs qu’ elles considèrent utiles pour leur vie et pour la société.

La piété populaire un espace de rencontre avec le Christ

Enfin Benoît XVI, en 2011, dans son discours à l’ Assemblée plénière de la Commission Pontificale pour l’ Amérique Latine présenta :

  •  La piété populaire comme un espace de rencontre avec Jésus-Christ et une manière d’ exprimer la foi de l’ Église.

Aussi affirmait-il qu’ elle ne doit pas être considéré comme un aspect secondaire de la vie chrétienne car :

  • « Ce serait oublier la primauté de l’ Esprit et de la libre initiative de l’ amour de Dieu » (Document de clôture, n. 263).

Toutefois, précisait-il :

« La foi doit être la source principale de la piété populaire, afin que celle-ci ne se réduise pas à la simple expression culturelle d’ une région déterminée.

Elle doit, en outre, être en étroite relation avec la sainte liturgie, qui ne peut être remplacée par aucune autre expression religieuse ».

Puis il ajoutait :

« La liturgie et la piété populaire sont donc deux expressions cultuelles qui doivent se situer dans une relation mutuelle et féconde … 

De son côté, la piété populaire, avec ses valeurs symboliques et expressives, est en mesure d’ aider la liturgie :

  • à réussir son travail d’ inculturation,
  • et elle peut aussi lui procurer des éléments stimulants en vue d’ accroître d’ une manière efficace son dynamisme et sa créativité » (n. 58).

L’ importance de l’ inculturation du christianisme

Pour le pape François, l’ inculturation du christianisme ne doit pas être négligée car c’ est une ressource précieuse de résistance à la sécularisation car :

  • « Les sacramentaux (cierges, médailles, bénédictions) nourrissent un rapport enchanté au monde et à l’ existence.»

Mais aussi parce que :

  • « Les anges, les saints, la Vierge, y sont présents et actifs. Et surtout parce que Dieu qui est proche des Hommes se laisse émouvoir et répond à leurs prières et à leurs sacrifices. »

C’ est ainsi que les formes populaires de la piété favorisent :

  • « L’ espérance, la générosité, la solidarité et entretiennent la résistance des mentalités face à la puissance de l’ argent et aux tentations du calcul égoïste.»

Pour conclure 

Au cours de son rapide voyage en Corse, le pape François a souligné :

  • « Que la piété populaire s’  incarne dans une culture et continue à se transmettre. C’ est pourquoi elle a une force évangélisatrice ».

En effet, la prière communautaire et les autres formes de dévotion telles que les chemins de croix permettent de nourrir « la citoyenneté constructive des Chrétiens » a-t-il déclaré.

Mais aussi que :

  • Piété populaire et laïcité ne sont pas incompatibles.

Nous constatons que depuis le concile Vatican II voulu par saint Jean XXIII, les papes qui lui succédèrent ont toujours eu à cœur de recommander la piété populaire, à condition :

  • Que ces exercices pieux sont conformes aux règles de la direction de l’ Église.
  • Et qu’ ils soient adaptés au temps liturgique.

Nous vous invitons à découvrir le discours du pape François :

  • Lors de la session conclusive du congrès sur la religiosité populaire
  • Ainsi que son homélie lors de la messe célébrée sur la place d’Austerlitz «U Casone » à Ajaccio en cliquant sur les liens ci-dessous :

https://www.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2024/december/documents/20241215-ajaccio-congresso.html

https://www.vatican.va/content/francesco/fr/homilies/2024/documents/20241215-ajaccio-messa.html

Georgette

Ci-dessous, quelques exemples de piété populaire : Vénérations de reliques,bénédiction des maisons,  les visites aux sanctuaires, les pèlerinages, les processions, les stations du chemin de croix …

Les reliques du Saint Curé d’ Ars à Paris

Bénédiction d’ un immeuble pendant le covid

Procession aux flambeaux à Lourdes

 

Procession du 15 Août à Douvres la Délivrande (Calvados) de la Vierge Noire

 

Procession du vendredi Saint à Séville
 
                Chemin de Croix  appelé « Le Calvaire hongrois » à Ajustrel (Portugal) et à Enghien

Procession Solennité du Corps et du Sang du Christ à Enghien

Sources: La Croix le 14/12/2024 -: « Benoît XVI, à travers la piété populaire –  La foi est entrée dans le coeur des hommes » Eflamm Caouissin 26 novembre 2015 

Illustrations : Photos Jean-Lucien G. – Pascal G. – Jean-Pierre P. – Muriel B.

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